Tuesday, September 26, 2017

Note critique à propos de "Toute la mémoire du monde" de Alain Resnais

Toute la mémoire du monde

Alain Resnais - 1956 -


Toute la mémoire du monde est une oeuvre cinématographique, à mi-chemin entre le film et le reportage, réalisée par Alain Resnais en 1956. Les images en noir et blanc, bien entendu, sont accompagnées d'une voix-off, interprétée par Jacques Dumesnil, qui n'est autre que Louis le Mexicain dans Les Tontons flingueurs, et tant d'autres personnages encore. La musique, composée par Maurice Jarre, est lancinante. Elle borde le tout, mêlant l'histoire comptée à un suspense lattant. 

Dans ce mini-film documentaire, Alain Resnais expose tout du long la grande entreprise qu'est la Bibliothèque Nationale de France (BNF). On comprend que l'on y répertorie l'ensemble des publications faites en France chaque année, plus des contenus de style : un condensé des écrits d'Emile Zola, les premiers écrits de Rimbaud : "publiés dans un obscur journal des Ardennes" ; bref, tout un florilège de connaissances. Toute la force de la BNF, le réalisateur nous le décrit bien, et avec précision, c'est le travail de classification. Tout doit être ordonné de manière à le retrouver sans difficulté. Des rubriques, des fichiers, des classifications par domaines, sciences, auteurs, tout y est pour que le lecteur ou passionné lambda, trouve l'oeuvre qu'il cherche par dessus tout.

Cette classification a été étudiée pendant des années pour qu'elle soit optimisée au mieux pour le présent, au pire pour le futur. La démarche reste scientifique et l'on comprend la volonté de s'adresser aux générations ultérieures. Les dédales de livres et les explications du narrateur nous font prendre conscience que l'évolution technologique que l'on connaît aujourd'hui, toute cette connaissance à laquelle on peut accéder grâce à internet, est le travail de plusieurs générations misent bout à bout. Aujourd'hui, en effleurant le bouton d'une souris ou les touches d'un clavier, nous avons accès à une ribambelle de savoir - et de non-savoir également, car internet c'est aussi le panthéon de la bêtise.

Même si nos moyens actuels nous permettent de gagner un temps considérable pour faciliter nos recherches, il en revient à nous de classer ces "morceaux de mémoire universelle" que l'on déniche à droite et à gauche et de les répertorier en pense-bête qui comblent les brèches de notre mémoire beaucoup trop courte. Cela peut faire penser au livre de Isaac Asimov, Fondation, publié en 1951, dans lequel les scientifiques de l'Empire s'attellent à l'écriture de l'Encyclopédia Galactica, un ouvrage décrivant les connaissances établies par l'Homme en prêt de 12000 ans d'existence, une oeuvre rempart contre le chaos.

Une source de savoir comme la BNF, et bien d'autres de par delà le monde, c'est une forme de lutte contre le passé tout en l'acceptant. Le savoir nous permet d’engranger les faits passés, pour mieux préparer ceux de l'avenir. Et Alain Resnais, l'évoque à la fin : 
"Ici se préfigure un temps où toutes les énigmes seront résolues. Un temps où cet univers et quelques autres, nous livreront leurs clefs, et cela simplement parce que ces lecteurs assis devant leur morceau de mémoire universelle, auront mis bout à bout les fragments d'une même secret, qui a peut être un très beau nom. Qui s'appelle : le bonheur". 
Peut-être que le seul moyen d'accéder au bonheur, est d'accéder à la connaissance ? Mais encore aujourd'hui l'accès à certains savoirs reste limité. Malgré nos efforts pour trier, classer les données, répertorier, enregistrer, certains secrets resteront bien gardés, il ne reste que notre curiosité pour s'en emparer.
 

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